Les listes de diffusion

Les listes de diffusion sont la base de la communication au sein d'un projet. Si un utilisateur est confronté à un espace de dialogue, en dehors des pages Web, il y a de fortes chances que ce soit une des listes de diffusion du projet. Mais avant d'expérimenter la liste de diffusion elle-même, il sera en contact avec l'interface de la liste de diffusion ; c'est à dire le mécanisme par lequel il peut rejoindre la liste (« souscrire »). Ceci nous amène à la règle #1 des listes de diffusion :

N'essayez pas de gérer une liste de diffusion à la main: procurez-vous un logiciel de gestion de listes.

Il serait tentant de repousser cela à plus tard. Le temps passé à installer un logiciel de gestion de listes peut sembler peu rentable au début. Gérer à la main de petites listes générant peu de trafic semble séduisant : établissez simplement une adresse d'abonnement qui redirige vers votre boîte mail, et quand quelqu'un l'utilise, ajoutez (ou enlevez) son adresse mail dans un fichier texte qui contient toutes les adresses de la liste. Qu'y a-t-il de plus simple ?

Le hic, c'est qu'une bonne gestion de listes de diffusion, ce que les gens sont en droit d'attendre, n'est pas simple du tout. Il ne s'agit pas simplement d'abonner et de désabonner les utilisateurs quand ils le demandent. Il s'agit également de faire de la modération pour empêcher le spam, d'offrir des versions résumées, et, message par message, de fournir de l'information standard et de l'information orientée projet grâce à des messages pré-écrits, ainsi que diverses autres choses. Un être d'humain gérant lui-même une adresse de souscription ne peut assurer que le strict minimum, et même en cela, il n'est pas aussi fiable et performant qu'un logiciel.

Les logiciels modernes de gestion de liste offrent au minimum les fonctionnalités suivantes :

Inscription par e-mail et par le Web

Quand un utilisateur s'abonne à une liste, il devrait recevoir rapidement un message d'accueil automatique en réponse, lui indiquant ce à quoi il s'est abonné, quels sont les possibilités offertes par le logiciel de liste de diffusion, et (ce qui est le plus important) comment se désinscrire. Bien sûr, cette réponse automatique peut être personnalisée pour donner plus d'informations sur le projet, comme par exemple l'adresse du projet, où trouver la FAQ, etc.

L'abonnement en mode résumé ou message par message

En mode résumé, l'abonné reçoit un courrier par jour contenant toutes les activités du jour de la liste. Pour les gens qui suivent une liste de manière détachée, sans participer, le mode résumé est souvent préférable car il permet de survoler rapidement tous les sujets et évite la distraction de recevoir des e-mails à n'importe quel moment.

Les possibilités de modération

La modération sert à vérifier les messages pour s'assurer que ce n'est pas a) du spam et b) hors sujet avant qu'ils ne soient envoyés à la liste entière. La modération demande une intervention humaine, mais les logiciels peuvent mâcher une grosse partie du travail. Nous reviendrons à la modération plus tard.

Interface administrative

L'interface administrative permet, entre autres choses, à l'administrateur de retirer les adresses obsolètes facilement. Cela peut devenir urgent quand l'adresse d'un destinataire commence à renvoyer automatiquement des messages du type « Je ne suis plus à cette adresse » à la liste à chaque e-mail (certains logiciels de listes de diffusion peuvent même les détecter seuls et désabonner ces personnes automatiquement).

Manipulation des en-têtes

Beaucoup de gens ont mis en place des filtrages sophistiqués et des règles de réponse dans leur logiciel de messagerie. Les logiciels de listes de diffusion peuvent ajouter et manipuler certains en-têtes standards pour permettre à ces personnes d'en tirer partie (nous y reviendrons).

Archivage

Tous les messages des listes sont enregistrés et mis à disposition sur le Web, certains logiciels de listes de diffusion proposent des interfaces spéciales pour assurer leur compatibilité avec des utilitaires d'archivage tiers comme MHonArc (http://www.mhonarc.org/). Comme nous le verrons dans la section « la section intitulée « Conspicuous Use of Archives » » dans le Chapitre 6, Communications l'archivage est crucial.

Retenez simplement ici que la gestion des listes de diffusion est un problème complexe, ayant déjà reçu beaucoup d'attention, mais en grande partie résolu. Vous n'êtes pas obligé de devenir expert sur le sujet, mais vous devriez savoir qu'il y a toujours de nouvelles choses à découvrir et que la gestion des listes demandera votre attention de temps à autres au cours de la vie de votre projet de logiciel libre. Ci-dessous nous allons examiner quelques uns des principaux problèmes rencontrés lors de la configuration des listes de diffusion.

Se prémunir du spam

Entre le moment où j'écris cette phrase et le moment où elle sera publiée, le problème du spam sur Internet aura sûrement pris des proportions beaucoup plus importantes ou, en tout cas, on le ressentira comme tel. Il fut un temps, il n'y a pas si longtemps, où l'on pouvait créer une liste de diffusion sans avoir à prendre de mesures de protection contre le spam. De temps en temps, on pouvait recevoir un e-mail égaré, mais c'était suffisamment rare pour que cela reste peu gênant. Cette âge d'or est révolu. De nos jours, une liste de diffusion qui ne se prémunie pas du spam sera rapidement noyée sous les e-mails indésirables, au point qu'elle en devienne inutilisable. Les protections contre le spam sont indispensables.

On peut séparer les protections contre le spam en deux catégories : celles qui empêchent les courriers indésirables d'apparaître sur la liste de diffusion et celles qui protègent les listes de diffusions contre les collecteurs d'adresses des spammeurs. La première étant la plus importante, c'est celle que nous allons détailler en premier.

Filtrer les messages

Il existe trois techniques de base pour éviter les messages indésirables, la plupart des logiciels de listes de diffusions les proposent toutes les trois. Il vaut mieux les utiliser de concert :

  1. Autoriser automatiquement les messages uniquement envoyés par les abonnés.

    Cette méthode remplit très bien son rôle, et ne demande que peu de travail puisqu'en général il suffit de modifier un paramètre dans les réglages du logiciel de liste de diffusion. Mais prenez garde, les messages qui ne sont pas automatiquement approuvés ne doivent pas être rejetés pour autant. Ils devraient subir une inspection pour deux raisons. D'abord, vous feriez mieux de laisser la possibilité aux non-abonnés d'envoyer des messages. Une personne ayant une question, ou une idée à soumettre, ne devrait pas avoir besoin de s'inscrire à la liste de diffusion juste pour y envoyer un message. Ensuite, même les abonnés envoient parfois des messages depuis d'autres adresses que celle qu'ils ont utilisées pour s'inscrire. Les adresses mails ne sont pas une méthode sure pour identifier les personnes, et par conséquent ne doivent pas servir à cela.

  2. Filtrer les messages grâce à un logiciel de filtrage.

    Si la liste de diffusion le permet (la plupart le font), vous pouvez filtrer les messages grâce à un logiciel de filtrage de spam. Le filtrage automatique des spams n'est pas parfait et ne le sera jamais vu que les spammeurs et les développeurs de filtres se sont engagés dans une course à l'armement sans fin. Malgré cela, le filtre peut largement réduire le nombre de spams en attente de modération. Comme la longueur de la liste d'attente se traduit en temps de travail manuel, tout gain obtenu à ce niveau grâce au filtrage automatique est bon à prendre.

    Je ne peux pas détailler ici la mise en place des filtres à spam. Je vous renvoie donc à la documentation de votre logiciel de liste de diffusion pour en savoir plus (voir la section appelée la section intitulée « Les logiciels » plus loin dans ce chapitre ). Les logiciels de liste de diffusion incluent souvent des fonctionnalités anti-spam, mais vous pouvez aussi choisir d'utiliser un programme de filtrage tiers. J'apprécie ces deux programmes : SpamAssassin (http://spamassassin.apache.org/) et SpamProbe (http://spamprobe.sourceforge.net/). Je ne ferai pas de liste exhaustive, il existe bien d'autres logiciels de filtrage de spam Open Source, et certains semblent également très performants. C'est simplement que j'ai utilisé moi-même les deux logiciels pré-cités et j'en ai été très satisfait.

  3. Modération.

    En ce qui concerne les courriers qui ne sont pas automatiquement admis parce qu'ils n'émanent pas d'un abonné, et qui passent au travers du logiciel anti-spam, s'il est présent, la dernière étape est la modération : le mail est redirigé vers une adresse spéciale où une personne l'examinera et l'acceptera ou le rejettera.

    Accepter un message peut se faire de deux manières différentes : vous pouvez autoriser le message juste cette fois, ou encore, dire au logiciel de liste de diffusion de laisser passer dans le futur tous les messages de cet expéditeur. En général, c'est la deuxième option qui est favorisée afin de faciliter la tâche de modération à l'avenir. La manière de procéder est différente selon les systèmes, mais en général il faut répondre à une adresse particulière en incluant la commande « accepter » (ce qui signifie « accepter uniquement ce message ») ou « autoriser » (autoriser ce message ainsi que tous les futurs messages).

    Le rejet se fait en général simplement en ignorant le courrier de modération. Si le logiciel de la liste de diffusion ne reçoit jamais de consigne pour dire qu'un message est valide, alors, il ne fera pas suivre ce message sur la liste : laisser le message de côté aura donc l'effet désiré. Il arrivera aussi parfois que vous ayez la possibilité de répondre avec une commande « rejeter » ou « empêcher » pour rejeter automatiquement et de façon permanente les messages de cet utilisateur sans même qu'ils ne repassent par la case « Modération ». En général, ce n'est pas très utile puisque la modération sert principalement à éviter le spam, et que, de toute façon, les spammeurs utilisent rarement la même adresse deux fois .

La modération doit servir uniquement au filtrage des spams et des messages hors-sujet, ainsi quand quelqu'un envoie un message sur la mauvaise liste de diffusion. Le système de modération devrait vous fournir un moyen de répondre directement à l'expéditeur, mais n'employez pas cette méthode pour répondre directement à une question adressée à la liste de diffusion, même si vous pouvez fournir une réponse rapidement. Fonctionner ainsi empêcherait le projet de se faire une idée précise du genre de questions que les gens se posent et enlèverait aux membres l'occasion de répondre aux questions eux-mêmes et/ou de voir les réponses des autres. La modération des listes de diffusion doit se borner à l'entretien de la liste de diffusion, rien d'autre.

Masquer les adresses dans les archives

Pour éviter que vos listes de diffusion ne deviennent une mine d'adresses pour les spammeurs, une technique courante est de masquer les adresses e-mail des personnes dans les archives en remplaçant par exemple

a.nonyme@undomaine.com

par

a.nonyme_AT_undomaine.com

ou par

a.nonymeNOSPAM@undomaine.com

ou d'autres codes similaires évidents pour un humain. Comme les collecteurs d'adresses à spammer fonctionnent souvent en naviguant sur les pages Web, y compris vos archives en ligne des listes de diffusion, à la recherche de séquences contenant « @ », coder les adresses est une manière de rendre les adresses e-mail invisibles ou inutilisables par les spammeurs. Cela ne change rien à la quantité de spam envoyée directement à la liste de diffusion évidemment, mais au moins vous évitez d'augmenter encore la quantité de spams envoyés directement aux utilisateurs des listes.

Le masquage d’adresse peut être sujet à controverse. Certaines personnes appréciant beaucoup cette technique seront surprises si vos archives ne le font pas automatiquement. D’autres pensent plutôt que c’est un désagrément (parce que les utilisateurs doivent aussi traduire les adresses avant usage). Certains doutent de l’efficacité de la méthode puisqu’un collecteur peut, en théorie, s’adapter aux codes les plus répandus. Notez, malgré tout, que, par expérience, le masquage d’adresse se montre efficace (voir http://www.cdt.org/speech/spam/030319spamreport.shtml).

Idéalement, le programme de gestion de listes devrait laisser le choix à chaque abonné, grâce à un en-tête oui/non ou un paramètre dans les préférences de son compte. Mais je ne connais aucun logiciel permettant ce réglage, ce qui oblige, pour l’instant, le responsable des listes à faire ce choix pour tout le monde (en supposant que le logiciel d’archivage propose cette option, ce qui n’est pas toujours le cas). Je penche légèrement en faveur du masquage d’adresses. Certaines personnes sont très prudentes et n’affichent pas leur adresse e-mail sur les pages Web ou à n’importe quel endroit qu’un collecteur d’adresse pourrait inspecter. Elles seraient déçues de voir tous leurs efforts réduits à néant par une archive de liste de diffusion. De plus, le désagrément imposé aux utilisateurs des archives par le masquage est très faible puisqu’il est fort simple de « traduire » ces adresses si vous avez besoin de contacter quelqu’un. Mais n’oubliez pas qu’au final, cela reste une course à l’armement : au moment où vous lirez ceci, les collecteurs auront peut-être évolué au point qu’ils pourront reconnaître les techniques classiques de masquage d’adresse e-mail et nous devrons trouver alors une autre parade.

Identification et gestion des en-têtes

Les utilisateurs des listes rangeront souvent les messages dans des dossiers réservés au projet, séparés de leurs autres courriers. Leur logiciel de lecture de courrier peut faire cela automatiquement en vérifiant les en-têtes du message. Les en-têtes sont les champs au début du courrier qui indiquent l’expéditeur, le destinataire, le sujet, la date et d’autres informations à propos du message. Certains en-têtes sont bien connus et obligatoires :

De: ...
À: ...
Sujet: ...
Date: ...

D’autres sont optionnels bien que plutôt courants. Par exemple, vous n’êtes pas obligés de remplir l’en-tête :

Répondre à: expediteur@addresse.courriel.ici

Mais la plupart des gens le font puisque cela permet au destinataire de répondre de manière certaine à l’auteur du message (c’est particulièrement utile si l’auteur a dû recourir à une adresse différente de celle à laquelle les réponses devraient être adressées).

Certains logiciels de courrier fournissent une interface simple d’emploi pour trier les messages en fonction du sujet. Certaines personnes demandent par conséquent que les listes de diffusion ajoutent automatiquement un préfixe aux sujets afin que leur logiciel puisse automatiquement ranger ces messages dans le bon dossier. L’idée est que l’auteur du message écrive :

Sujet: Préparation de la version 2.5

mais que le message au final soit envoyé sous cette forme (par exemple) :

Sujet: [discussion@listes.exemple.org] Préparation de la version 2.5

Bien que la plupart des logiciels de gestion de listes de diffusion proposent cette option, je ne vous recommande pas de l’activer. Le problème réglé ici peut l’être par des moyens beaucoup moins marqués, et le prix à payer, l’utilisation de l’espace dans le champ Sujet, est bien trop élevé. Les utilisateurs habitués aux listes de diffusion passent en général en revue les sujets des messages pour décider de ce qu’ils vont lire et ce à quoi ils vont répondre. Ajouter le nom de la liste au sujet peut repousser la partie importante du sujet hors de l’écran, la rendant ainsi invisible. Cela masque les informations sur lesquelles les gens se reposent durant leur inspection des sujets, réduisant par conséquent l’utilité de la liste de diffusion.

Plutôt que de grignoter une partie du champ Sujet, enseignez aux utilisateurs à utiliser les autres champs, en commençant par le champ À : qui devrait afficher le nom de la liste :

À: <discussion@listes.exemple.org>

N’importe quel logiciel de messagerie pouvant filtrer les sujets devrait également pouvoir filtrer aussi facilement le champ À :.

D’autres champs optionnels sont en général remplis pour les listes de diffusion. Baser le filtrage sur ces champs est encore plus efficace que d’utiliser les champs À : ou Cc : puisque ces champs sont remplis automatiquement par le logiciel de la liste de diffusion, certains utilisateurs s’attendent à les trouver :

list-help: <mailto:discuss-help@lists.example.org>
list-unsubscribe: <mailto:discuss-unsubscribe@lists.example.org>
list-post: <mailto:discuss@lists.example.org>
Delivered-To: mailing list discuss@lists.example.org
Mailing-List: contact discuss-help@lists.example.org; run by ezmlm

Pour la plupart, leur fonction est évidente. Voyez http://www.nisto.com/listspec/list-manager-intro.html plus d’informations à ce sujet ou, si vous cherchez des spécifications vraiment détaillées et formelles, voyez http://www.faqs.org/rfcs/rfc2369.html.

Vous remarquerez que ces champs suggèrent que si vous avez une liste nommée "list", alors vous possédez aussi les listes administratives "list-help" et "list-unsubscribe". En plus de celles-ci, il est normal que vous proposiez "list-subscribe" pour s’inscrire et "list-owner" pour contacter les administrateurs des listes. En fonction du logiciel utilisé pour gérer vos listes, ces adresses et/ou plusieurs autres adresses administratives peuvent être mises en place, vous trouverez des explications dans la documentation. En général, un descriptif complet de toutes ces adresses spéciales est communiqué à chaque nouvel utilisateur au sein d’un message de bienvenue lors de l’inscription. Vous recevrez aussi certainement une copie de ce courrier. Si vous ne la recevez pas, alors demandez ce que reçoivent les utilisateurs lorsqu’ils s’inscrivent à une liste. Gardez ce message à portée afin de pouvoir répondre aux questions concernant les fonctions de la liste de diffusion ou, encore mieux, affichez-le sur une page Web, ainsi quand quelqu’un perd sa copie des instructions et envoie un message concernant les modalités de désinscription, vous n’avez qu’à lui envoyer l’URL.

Certains logiciels de liste de diffusion possèdent une option pour ajouter les instructions de désabonnement à chaque message. Si cette option est présente, activez-la. Cela n’ajoute que quelques lignes au message, ne gêne pas sa lecture, et peut vous faire gagner beaucoup de temps en évitant que les gens ne vous écrivent, ou pire encore, n’écrivent à toute la liste, pour demander comment se désinscrire.

Le grand débat du « Répondre à »

Précédemment, dans une partie appelée la section intitulée « Évitez les discussions privées », j’ai insisté sur l’importance du fait que les discussions doivent se dérouler dans les forums publics, et j’ai dit que parfois des mesures devaient être prises pour éviter que les conversations ne se transforment en échanges d’e-mails privés. Ce chapitre traite de la mise en place des logiciels de communication du projet afin qu’ils facilitent au maximum la vie du projet. Par conséquent, si le logiciel de gestion des listes de discussion vous offre la possibilité de garder automatiquement les discussions sur la liste, vous vous direz qu’il est logique d’activer cette fonctionnalité.

En fait ce n’est pas si évident. Cette option existe, mais elle comporte des inconvénients plutôt restrictifs. Son utilisation est sujette à l’un des plus importants débats concernant la gestion des listes de diffusion, rien qui ne fera la une des journaux du soir, mais parfois les discussions à ce propos peuvent devenir tendues au sein des projets de logiciels libres. Ci-dessous je vais décrire la fonctionnalité, exposer les principaux arguments de chaque camp et vous donner mes meilleures recommandations.

La fonctionnalité en elle-même est très simple : le logiciel peut, si vous le souhaitez, remplir le champ Répondre à : automatiquement afin que les réponses soient redirigées sur la liste de diffusion. C’est à dire que, peu importe ce que l’expéditeur met dans le champ Répondre à : (ou même s’il ne le remplit pas), quand les abonnés de la liste recevront le message l’en-tête contiendra l’adresse de la liste :

Répondre à: discuss@lists.example.org

De prime abord, cela semble être une bonne chose parce que quasiment tous les logiciels de messagerie inspectent le champ Répondre à : et donc quand quelqu’un enverra une réponse, elle sera automatiquement envoyée à la liste entière : pas uniquement à l’expéditeur du message auquel on répond. Bien sûr, la personne qui répond peut modifier à la main le destinataire du message, mais l’important est que, par défaut, les réponses sont directement envoyées à la liste. C’est un très bon exemple d’utilisation de la technologie pour encourager la collaboration.

Malheureusement, il existe quelques inconvénients. Le premier est connu sous le nom du problème de Je ne peux plus retrouver mon chemin : il se peut que l’expéditeur mette sa « véritable » adresse e-mail dans le champ Répondre à : parce que, pour une raison ou pour une autre, il a utilisé une autre adresse pour envoyer le message que celle qu’il utilise pour les recevoir. Les personnes qui expédient et lisent les messages à partir de la même adresse n’ont pas ce problème, et sont même parfois surprises d’apprendre son existence. Mais, pour ceux qui utilisent leurs comptes mail de manière particulière ou qui n’ont pas de contrôle sur le champ De : dans leurs courriers (parce qu’ils écrivent depuis leur travail, ou parce qu’ils n’ont pas assez d’influence sur le département informatique), utiliser le champ Répondre à : peut être la seule manière d’être sûr que les réponses leur parviennent. Quand une personne dans cette situation envoie un message à une liste de diffusion à laquelle il n’est pas abonné, l’adresse dans le champ Répondre à : devient une information essentielle. Si le logiciel remplace cette adresse, il se peut qu’il ne reçoive jamais de réponse.

Le deuxième inconvénient est lié aux attentes et, d’après moi, c’est l’argument qui a le plus de poids contre l’automatisation du champ Répondre à :. La majorité des gens ayant l’habitude de se servir des e-mails sont accoutumés à deux choix simples pour répondre : Répondre à tous et Répondre. Tous les logiciels modernes de messagerie possèdent deux boutons distincts pour ces deux fonctions. Les utilisateurs savent que pour répondre à tout le monde (ce qui inclut la liste), ils doivent utiliser le bouton « Répondre à tous », et que pour répondre en privé à l’auteur ils doivent utiliser le bouton « Répondre ». Même si votre but est d’encourager les gens à répondre à toute la liste le plus souvent possible, il y aura parfois des circonstances qui font qu’une réponse privée est plus appropriée, par exemple, si une personne veut dire quelque chose de confidentiel à l’auteur du message original, quelque chose qui n’aurait pas sa place sur la liste publique.

Maintenant penchons-nous sur le cas où la liste a ré-écrit le champ Répondre à :. La personne qui répond appuie sur le bouton « Répondre » en s’attendant à envoyer un message privé à l’auteur du courrier. Puisque c’est ce qu’il se passe normalement, il ne prendra pas forcément la peine de vérifier l’adresse du destinataire du message. Il écrit alors son message privé et confidentiel, où il pourrait dire des choses gênantes sur une autre personne de la liste, et appuie ensuite sur « Envoi ». Alors qu’il ne s’y attendait pas, quelques minutes plus tard son message apparaît sur la liste de diffusion ! Il aurait effectivement, en théorie, dû prendre le temps de regarder avec précaution le champ Destinataire, et n’aurait pas dû supposer qu’il n’avait pas à se soucier du champ Répondre à :. Mais les expéditeurs règlent quasiment à chaque fois le champ Répondre à : de telle sorte qu’ils reçoivent la réponse (ou pour être plus précis, c’est leur logiciel de messagerie qui le fait pour eux), et beaucoup d’utilisateurs expérimentés le prennent pour argent comptant. En fait, lorsqu’une personne met une autre adresse que celle de l’expéditeur dans le champ Répondre à :, comme celle de la liste par exemple, il prendra en général la peine de le notifier dans le message, ainsi les gens ne seront pas surpris par ce qui se passe lorsqu’ils appuient sur « Répondre ».

À cause des lourdes conséquences potentielles que cela peut entraîner, je préfère configurer le logiciel de gestion de liste de manière à ce qu’il ne modifie pas le champ Répondre à :. C’est l’un des cas où l’utilisation de la technologie pour encourager la collaboration peut, à mon sens, avoir des effets pervers. Mais l’autre camp a également d’excellents arguments à faire valoir. Quel que soit votre choix, des gens de temps à autre vous demanderont pourquoi vous n’avez pas fait l’autre choix. Comme c’est quelque chose que vous ne voulez pas voir prendre de trop grandes proportions, il vaut mieux que vous ayez une réponse toute prête, une réponse qui mettra un terme au débat plutôt que de l’encourager. Ne faites pas paraître votre décision, que vous choisissiez une solution ou l’autre, comme étant la seule, l’unique valable et la bonne (même si vous pensez que c’est le cas). Insistez plutôt sur le fait que c’est un très vieux débat, que les deux camps possèdent de bon arguments, mais qu’aucun choix ne peut satisfaire tous les utilisateurs, en conséquence, vous avez pris la décision qui vous semblait la meilleure. Demandez poliment à ce que le sujet ne soit pas ré-ouvert, à moins que quelqu’un ait quelque chose de vraiment nouveau à apporter au débat, puis ne participez plus à la discussion en espérant qu’elle s’éteigne d’elle-même.

Quelqu’un pourrait suggérer de voter pour choisir une méthode ou l’autre. Vous pouvez le faire si c’est votre choix, mais je ne pense pas qu’un vote à main levée soit la meilleure solution dans ce cas. Le risque que quelqu’un se fasse surprendre par la modification du champ Répondre à : est trop important et le désagrément pour chacun est plutôt faible (devoir rappeler occasionnellement aux gens de répondre à la liste entière) pour qu’une majorité, même si c’est la majorité, impose un tel risque à une minorité.

Je n’ai pas abordé, ici, tous les aspects de ce problème, seulement ceux qui semblaient les plus importants. Si le sujet vous intéresse je vous conseille de lire ces deux documents canoniques toujours cités dans ce débat :

Malgré cette légère préférence énoncée ci-dessus, je ne pense pas qu’il existe une vérité « transcendante » à sujet, et je participe gaiement à de nombreuses listes imposant le Répondre à :. Le mieux que vous puissiez faire, est d’opter assez tôt pour une solution ou pour l’autre, et d’éviter de vous faire attirer dans un débat par la suite.

Deux rêves

Un jour, quelqu’un aura cette idée brillante d’ajouter un bouton Répondre à la liste dans un logiciel de messagerie. Pour ce faire, il se servirait des en-têtes afin de déterminer l’adresse de la liste de diffusion, et enverrait donc la réponse directement à la liste, en ne se préoccupant pas des adresses d’autres destinataires puisqu’ils sont, de toute façon et pour la plupart déjà inscrits à la liste. Finalement, d’autres logiciels de messagerie reprendraient l’idée et le débat deviendrait obsolète (en fait, le logiciel de messagerie Mutt propose déjà cette fonctionnalité.[13])

Une meilleure solution : laisser le choix à chaque abonné. Ceux qui veulent que la liste remplisse le champ Répondre à : (que se soit pour leurs propres messages ou ceux des autres) pourraient régler cette option et ceux qui ne le veulent pas pourraient aussi choisir. Je ne connais cependant aucun logiciel de gestion de liste qui permette ce choix individuel. Pour le moment on doit faire avec une configuration identique pour tous.

L’archivage

Les détails techniques concernant la mise en place de l’archivage d’une liste de diffusion sont particuliers au logiciel qui fait fonctionner la liste et dépassent le cadre de ce livre. Lors du choix, ou de la configuration, de l’archive, vous devez prendre en compte les facteurs suivants :

Mise à jour rapide

Les gens se réfèreront souvent à un message archivé envoyé une ou deux heures auparavant. Si possible, le logiciel devrait archiver chaque message instantanément, dès qu’un message apparaît dans la liste de diffusion, afin qu’il soit aussi présent dans les archives. Si cette option n’est pas disponible, alors essayez de faire en sorte que l’archive soit remise à jour au moins toutes les heures (par défaut certains logiciels d’archives se mettent à jour automatiquement chaque nuit, mais dans la pratique ce délai est bien trop important pour une liste de diffusion active).

La stabilité du référentiel

Une fois qu’un message est archivé à une URL donnée, il devrait rester accessible par la même URL à tout jamais, ou le plus longtemps possible en tout cas. Même si les archives sont reconstruites, rétablies à partir d’une sauvegarde ou réparées d’une quelconque manière, aucune URL qui a été rendue publique ne devrait être modifiée. Des coordonnées stables rendent possible l’indexation des archives par les moteurs de recherche qui sont les meilleurs compagnons des utilisateurs en quête de réponses. Des coordonnées stables sont aussi importantes, car les messages et les sujets, dans les listes de diffusion, contiennent souvent des liens vers le système de suivi de bogues (voir la section nommée la section intitulée « Bug Tracker » plus loin dans ce chapitre) ou vers d’autres documents du projets.

Idéalement, les logiciels de listes de diffusion devraient inclure l’URL du message dans les archives, ou, au moins, une portion particulière de l’URL dans les en-têtes du message lorsqu’il est distribué aux destinataires. Ainsi, ceux qui ont une copie du message peuvent savoir où il est rangé dans les archives sans avoir à se rendre sur la page des archives. C’est utile en effet, car toute opération nécessitant l’utilisation d’un navigateur prend du temps. Par contre, je ne sais pas s’il existe un logiciel proposant cette fonctionnalité. Ceux que j’ai utilisés ne le faisaient pas. C’est tout de même une fonctionnalité que vous devriez chercher (ou, si vous écrivez un logiciel de gestion de listes de diffusion, c’est une fonctionnalité que vous devriez penser à ajouter, s’il vous plaît).

Les sauvegardes

La méthode de sauvegarde des archives devrait être plutôt évidente, et la manière de les restaurer ne devrait pas être trop compliquée non plus. En d’autres termes, ne voyez pas votre logiciel d’archivage comme une boîte noire. Tout le monde (vous ou quelqu’un de votre projet) devrait savoir où les messages sont classés, et comment recréer, si nécessaire, la page d’archives depuis les messages sauvegardés. Les archives sont des données précieuses ; un projet qui les perd voit disparaître une grande partie de sa mémoire collective.

La gestion des sujets

Il devrait être possible de naviguer depuis n’importe quel message vers le sujet (groupe de messages ayant un lien) auquel appartient ce message. Chaque sujet devrait avoir sa propre URL, différente de l’URL des messages composant ce sujet.

Recherche

Un logiciel d’archivage ne proposant pas d’outil de recherche, ni dans le corps des messages, ni par auteur ou par sujet, est quasiment inutile. Remarquez que certains logiciels proposent un outil de recherche simplement en sous-traitant le travail à un moteur de recherche tiers comme Google. Passons. Mais un outil de recherche natif est en général plus précis puisqu’il permet à l’utilisateur de spécifier, par exemple, que le mot doit se trouver dans le sujet et pas dans le corps du texte.

Ceci n’est qu’une liste technique pour vous aider à évaluer et mettre en place un outil d’archivage. Comment amener les gens à vraiment utiliser cet outil pour le bien du projet, est un sujet différent, qui sera abordé dans d’autres chapitres de cet ouvrage, en particulier dans la section intitulée la section intitulée « Conspicuous Use of Archives ».

Les logiciels

Voici une liste d’outils Open Source pour la gestion et l’archivage de listes. Si le site qui héberge votre projet propose déjà une configuration par défaut, vous n’aurez peut-être jamais à faire de choix. Mais si vous devez en installer un vous-même, en voici quelques-uns. Ceux que j’ai utilisés sont Mailman, Ezmlm, MHonArc et Hyper- mail, mais cela ne veut pas dire que les autres ne sont pas bons (et bien sûr, il en existe probablement sur lesquels je ne suis pas tombé ; cette liste n’est en rien exhaustive).

Les logiciels de gestion de listes de diffusion sont :

Les logiciels d’archivage sont :



[13] Peu après la publication de ce livre, Michael Bernstein m’a écrit pour m’informer que « Mutt n’est pas le seul logiciel de messagerie à proposer la fonction « Répondre à la liste ». Par exemple Evolution le propose grâce à un raccourci clavier, mais pas avec un bouton (Ctrl+L). »